Larges extraits du passage du livre Trail Blazers (2013) concernant Nirmala, écrit par Dr. Nivedita Joglekar et traduit en français par Marie-Noël Fraysse :
Le père de Nirmala (née Kumud Majgaonkar) était un entrepreneur en bâtiment à Baroda. De graves difficultés financières ont obligé la famille à vendre la maison et à s’installer à Satara. Kumud a dû rester éloignée de ses parents parce qu’il n’y avait pas de collège secondaire à proximité ; mais elle pense que ces expériences précoces lui ont appris à compter sur elle-même et donné confiance en soi. Son frêre aîné, Shrikand Majgaonkar, [qui a] rencontré l’historien Babasaheb Purandare [à Pune] a pensé alors que ce dernier pourrait être un mari acceptable pour sa sœur, qui avait seize ans à l’époque et en dernière année de l’enseignement secondaire. Elle ne se sentait pas prête pour le mariage et voulait poursuivre ses études, mais la famille Purandare était d’accord pour la laisser étudier et elle a donc accepté le mariage. [...]. En compagnie de son frère, Nirmala a observé son idéologie et son combat pour des changements sociaux. C’est là que son esprit s’est ouvert à l’action sociale. Même comme épouse et mère de famille, elle rassemblait des enfants et leur transmettait notre riche culture. Elle leur parlait, tentait de comprendre leurs besoins émotionnels et intellectuels. Elle organisait des compétitions de « Shloka » (vers sacrés) ou d’écriture, des saynètes ou les emmenait pour de petites sorties. À la suggestion d’une voisine, Nirmala commença à fréquenter le bureau de « Vidyarthi Sahayyak Samiti-VSS- Students Welfare Association (Pune) pendant trois ou quatre heures en fin d’après-midi. Cet institut faisait tout son possible pour aider les étudiants de la campagne qui venaient en ville pour étudier. Et Nirmala, telle que nous la connaissons aujourd’hui est marquée par cette expérience.
Shrikand, le frère de Nirmala, avait un peu plus tôt lancé un hebdomadaire en Marathi, « Manoos ». Elle aida son frère dans cette publication qui traitait surtout des problèmes sociaux et ruraux. Elle avait déjà été sensibilisée aux problèmes ruraux au sein de VSS ; la lecture de ce magazine et sa contribution lui ont beaucoup appris et ont élargi ses vues sur son action future. Nirmala ne s’est jamais contentée de son rôle de maîtresse de maison. Elle saisissait les occasions quand elles venaient. En 1970-71 L’association des amis de la France lui a donné la possibilité de séjourner un an en France. Sa méconnaissance du français et de l’anglais ne l’a pas découragée et elle a accepté l’offre. À son arrivée en France, elle a suivi un cours de français pendant deux mois et demi. Cette visite en France encore une fois a montré sa totale implication dans tout ce qu’elle entreprend. À ses moments libres, elle a traversé l’Europe, participé à des ateliers. Elle accumulait de nouvelles idées et ce qu’elle pourrait en faire à son retour en Inde. Le docteur Apte et ses associés de VSS ont fondé une institution « Investment in Man » (investir dans l’homme) en 1972. À son retour en Inde, Nirmala a commencé à travailler pour cette institution dont le but était de résoudre les problèmes des régions défavorisées. Ceci l’a rapprochée encore de la vie rurale, des paysans et surtout des enfants des campagnes. Elle comprit que les jeunes filles ne pouvaient pas progresser à cause de l’indifférence générale à l’égard de leur éducation, des croyances d’un autre âge, de l’infériorité des femmes dans la hiérarchie sociale, aboutissant à un manque de confiance en soi. Il fallait les guider pour surmonter ces barrières ; c’est pourquoi « Investment in Man » a organisé des ateliers de développement de la personnalité pour les filles. Les chiffres de l’abandon scolaire était alarmant, surtout chez les filles. Cette situation préoccupait Nirmala pour qui les enfants et l’éducation en général étaient des sujets chers à son cœur. Elle pensa qu’une informelle mais solide éducation préscolaire était nécessaire pour retenir les enfants dans le système scolaire. Cette éducation préscolaire existait dans les villes, sous des formes variées, mais les enfants des villages n’en bénéficiaient pas.
Nirmala savait que l’éducation des enfants et la promotion féminine allaient de pair. Elle voulait commencer des programmes dans ces deux directions. Elle a commencé par fonder des balwadi (écoles maternelles) et former des jeunes filles pour y enseigner. Elle s’est aperçue que beaucoup de filles dans les villages avaient abandonné l’école après la septième ou la huitième classe (équivalentes à la sixième ou la cinquième dans le système français) pour travailler à la maison ou aux champs. Certaines étaient précocement mariées et consacraient toute leur énergie à observer les coutumes et élever les enfants. Nirmala savait que si les parents permettaient que leurs filles suivent une formation elles seraient encore capables d’assumer toutes ces tâches. Malgré sa forte détermination, le chemin était rude : convaincre des gens indifférents à l’égard de l’éducation n’était pas une tâche facile. Nirmala s’est déplacée dans les villages les plus reculés, en utilisant tous les moyens de transport disponibles ou à pied pour rencontrer les villageois. Au début, les gens étaient sceptiques : dans leur esprit, une femme qui voyage de cette façon devait avoir un projet politique caché ou des ambitions personnelles. Ils ne voulaient pas croire qu’on puisse aller si loin pour seulement améliorer la vie d’inconnus ; ils ne comprenaient pas pourquoi c’était important d’enseigner à des petits de trois ou quatre ans. Nirmala est restée ferme et a réussi à gagner leur confiance. Classes maternelles et formation d’enseignantes
Elle ouvrit la première classe maternelle (balwadi) en 1977 à Lonikand, dans le district de Pune, dans le cadre de « Investment in Man , assistée par une institutrice de maternelle de la ville. Nirmala a pu convaincre les villageois de confier leurs enfants au balwadi et bientôt les enfants furent absorbés par des dessins, des histoires, des chansons. Ils prirent de simples habitudes d’hygiène et de discipline, apprirent l’alphabet. Leur langage grossier fit place aux comptines et l’alphabet marathi. Les villageois apprécièrent l’expérience. Leurs résistance fit place au soutien actif et aux louanges. Nirmala se souvient : « un balwadi a a pris place à côté de la maison d’un avocat qui trouvait l’entreprise ridicule. Son fils commença à fréquenter ce balwadi et son comportement s’améliora considérablement. Bientôt, l’enfant mangeait proprement dans la maison et non devant les visiteurs, il rangeait correctement les chaussures des clients de son père qui vit la différence et changea d’opinion sur le balwadi. » Petit à petit, les villageois alentour voyaient l’entreprise favorablement. Dix balwadi ont démarré en l’espace d’un an, ce qui nécessitait des enseignantes formées et il n’était pas possible d’en faire venir de la ville. Il fallait donc trouver une solution locale et ce fut l’occasion d’améliorer le sort des jeunes filles dans ces villages. Un des moyens pour y arriver était de convaincre ces filles de suivre une formation pour devenir institutrices de balwadi. Il n’était pas facile de persuader les parents ; beaucoup de villageois ne permettaient pas aux filles et aux femmes de sortir de chez elles, ne serait-ce que pour se rendre à l’épicerie. Les hommes accomplissaient les tâches extérieures et ils n’autorisaient pas les filles à dépasser la septième (la cinquième dans le système français). Les filles ayant ainsi perdu toute confiance en soi, sans identité propre, restaient confinées aux tâches ménagères. Le programme de Nirmala pour la formation d’enseignantes préscolaires avait de nombreux avantages. Elle adopta plusieurs moyens pour convaincre les villageois. Elle voyageait de village en village, rencontrant toutes sortes de gens, plombiers, charpentiers, cordonniers, fabricants de bidis (cigarettes locales), tailleurs. Elle leur expliquait l’importance de la formation d’enseignantes de toutes les manières possibles. Elle s’adressait aux femmes âgées pour les mettre de son côté, rencontrait les chefs de village, affichait des messages. Ses efforts portèrent leurs fruits. La première session de formation fut lancée en 1979 à Shirur, dans le district de Pune. Trente-cinq jeunes filles participèrent à ce programme organisé par « Investment in Man ». C’était un succès si on tient compte de la résistance des villageois et c’était grâce aux efforts obstinés de Nirmala. Un industriel local, Rasiksheth Dhariwal, offrit un local. Le programme était composé sous la direction de Bhaskarrao Karve et Leela Deshmuk, du Hingne Stree Shikshan Sanstha, qui avaient reconnu l’importance du travail de Nirmala et qui l’ont soutenue de tout leur cœur. Nutan Balshikshan Sang a également participé à l’élaboration du contenu. Nirmala a dit à ce propos qu’elle était fière de commencer sa mission avec la bénédiction de Maharshi Karve. Le stage devait durer un an, mais étant données les difficultés rencontrées par les villageoises, la durée fut réduite à 6 mois. En plus de la psychologie de l’enfant, le stage était centré sur le développement personnel des filles. Nirmala souhaitait que ces jeunes filles puissent devenir des moteurs de changement dans les villages. Elle trouva un moyen de débarrasser les jeunes filles de leur sentiment d’infériorité : elle leur faisait inscrire au tableau toutes les tâches qu’elles accomplissent chaque jour : le tableau était entièrement couvert, tandis que la liste des tâches accomplies par les hommes n’en remplissait que la moitié. Ainsi, Nirmala leur montrait de façon très convaincante qu’elles n’étaient en rien inférieures aux hommes. Elle leur enseignait beaucoup de sujets et développait leurs capacité à communiquer. À la cérémonie de fin de stage, le changement était visible chez les jeunes filles : elles avaient perdu leurs craintes, s’exprimaient avec confiance en parlant de la formation. Rasiksheth Dhariwal, qui d’abord avait cru à un engouement passager de gens des villes, reconnut publiquement le succès de ce programme.
En travaillant en zone rurale, Nirmala en comprit les problèmes, et les solutions lui semblèrent claires : il fallait une institution indépendante. Elle fonda « Vanasthali Gramin Vikas Kendra en 1981. Sa maison servit de bureau. Ses collègues des Amis de la France et de Investment in Man vinrent l’aider. Il contribuèrent à la levée de fonds et participèrent au financement. Nirmala savait qu’elle aurait à combattre l’apathie et l’indifférence à l’égard de l’éducation des enfants et surtout des filles depuis des générations. Patience et effort d’adaptation, elle le savait, seraient les clés du succès. [...] Nirmala considère que Vanasthali n’était pas une institution, mais une grande famille et veille à ce que tous ceux qui lui sont associés la considèrent ainsi. Elle rencontre personnellement chaque fille recrutée pour la formation et évalue ses capacités, ses attentes, ses aspirations. Les filles sont encouragées à exprimer leurs craintes, leurs doutes et leur curiosité. Certaines fondent en larmes en racontant leurs expériences personnelles. Nirmala les pousse à regarder au delà et à faire face bravement. Chacun à Vanasthali apprécie la manière dont Nirmala lui donne du courage et lui montre le chemin vers une vie meilleure. Sunanda Dalvi, de Palmer (district d’Amednagar) résume ainsi : « Nirmala et Vanasthali nous ont tendu la main pour nous relever alors que nous ne faisions que ramper » ; Kaushala Giramkar, membre depuis 1982, affirme que sans Vanasthali, elle aurait commis un suicide. Elle respecte Nirmala plus que ses propres parents. « je suis heureuse aujourd’hui parce que je suis ce principe : ne jamais reculer ».
Les classes commencèrent au niveau de taluka (canton) pour permettre aux filles des plus petits hameaux de venir sans abandonner leurs responsabilités à la maison. Celles qui ont entre 18 et 25 ans et qui sont allées à l’école jusqu’à la septième peuvent participer. Le programme est basé sur la pratique : santé de l’enfant, psychologie, jeux pour les tout petits, chansons, histoires, soutien parental, propreté et hygiène, nutrition, planning familial, lutte contre les addictions, budget familial. Elles apprennent à fabriquer des objets avec des perles, des fleurs, des graines et figurer des animaux à l’aide de matériaux de récupération -ceci non seulement pour développer leur créativité, mais aussi pour fabriquer des jouets et du matériel pédagogique bon marché. Une stagiaire a un jour demandé à un marchand de chaussures de lui donner les boites vides ; étonné, il le fut encore davantage le jour suivant en voyant le camion qu’elle avait réalisé avec. Il a donné beaucoup de boites par la suite. Les stagiaires sont entraînées à dialoguer avec les instances locales, les parents, les représentants des ONG, les fonctionnaires concernés. Cela les rend capables de faire face à différentes situations : obtenir un local pour la classe, éduquer les parents, combattre les superstitions, donner des conseils d’hygiène . Ces filles, qui avaient peur de prendre un bus seule, vont de l’avant, crânement et confiantes. Nirmala insiste pour qu’elles obtiennent le soutien des villageois, mais aussi celui de leur propre famille. Elle leur conseille d’impliquer leurs proches et de ne pas créer de rupture ; elle a des contacts avec toutes les familles des stagiaires, complimente le travail de celles-ci pour que filles et belles-filles soient soutenues. La vie simple de Nirmala, son ardeur au travail, son honnêteté et sa confiance sont des références pour ces filles qui apprennent la valeur de ces qualités.
Udgir est une ville du Maharashtra à la frontière avec l’Andhra Pradesh et Le Karnataka. Ces deux états ont influencé les tribus installées là, comme les Potraj, Vanjari, Lamhani, Vadari, Garudi, et Patharvat. Six filles de ces communautés ont suivi une formation de six mois à Baramati (district de Pune). Certaines même sont venues avec leurs bébés pendant les 6 mois. D’autres filles ont ensuite suivi la formation. Quand leur nombre atteignit 30, un travailleur social local rencontra Nirmala pour lui demander démarrer un centre de formation sur place. Des enseignantes de Baramati ont bien voulu aller à Udgir. Comme le trajet de Baramati à Udgir dure 10 heures, sur des routes difficiles, les enseignantes ont décidé de rester à l’hôtel. Après quelques jours, Nirmala est venue les voir et a été horrifiée des conditions dans lesquelles elles étaient logées : fenêtres cassées, chambres sales, mauvaise évacuation des eaux usées l’ont choquée ; elle ne voulait pas que ses enseignantes vivent plus longtemps dans ces conditions. Elle contacta le Dr Sangram Patwari, un résident de Udgir, qui mit sa terrasse à la disposition des enseignantes. Quand la nouvelle des formations de Vanasthali s’est propagée, il y eut d’autres offres de locaux pour les formations et la municipalité a offert un local pour les classes maternelles (balwadi). En maintenant huit ans 225 femmes ont été formées pour enseigner et 22 balwadi ont été ouverts. Les membres des tribus disent avec gratitude que Nirmala a leur amené Saraswati (déesse de la connaissance).
Plus de 100 balwadi de Vanasthali ont été transformés en « auganwadi » régis par le gouvernement lorsque celui-ci a voulu propager l’enseignement préscolaire. Mais il reste 106 balwadi avec 400 élèves dans 9 districts (Pune, Nashik, Solapur, Satara, Nagar, Sangli, Kolhapur, Latur, Sindhudurg. Nirmala a conseillé à ses élèves d’ouvrir des balwadi à n’importe quel endroit du village, maison, cour, ou même étable et quel que soit le nombre d’élèves. Une telle approche a permis aux enfants des ouvriers des briqueteries et des tribus nomades de bénéficier de cet enseignement. Les enseignantes formées par Vanasthali travaillent avec dévouement et s’efforcent d’inculquer de bonnes habitudes aux enfants, ce qui a permis à plusieurs d’entre elles de trouver du travail dans les auganwadi du gouvernement, dans des écoles maternelles privées, les « Door Step schools » et des ONG comme Pratham ou CASP (Community Aid Sponsorship Program). Vanasthali renforce les capacités des femmes, les rend autonomes, capable de choisir leur chemin. Comme le nombre de balwadi diminuait, Nirmala a voulu que les femmes qui avaient été formées aient un emploi. Dès les premières sessions, la formation a été liée à l’éducation des enfants. Elle comprit que dans les grosses écoles primaires, les enfants ressentaient encore le besoin de l’attention affectueuse de leur enseignante de balwadi, et elle décida de relier les deux types d’enseignement. C’est ainsi que commencèrent les classes d’éveil et de soutien (« hobby classes ») pour combler ce besoin. Au début, ces classes avaient lieu les samedis et dimanches. Vanasthali procure des livres, des magazines et du matériel pour les travaux manuels pour mettre en place des ateliers d’écriture créative, récits et saynètes, jeux, pique-niques, compétitions... Et une fois que les maîtres d’école comprirent que ces classes favorisaient les progrès des élèves et faisaient diminuer l’abandon scolaire, les écoles primaires commencèrent à les encourager. Beaucoup d’écoles leur réservèrent une place dans leur emploi du temps. Les enseignantes entraînées pour des balwadi eurent alors de nouvelles responsabilités. Maintenant, elles organisent des camps pour les enfants, des programmes de développement de la personnalité pour les filles en milieu rural, le tout planifié et géré par elles-mêmes et avec compétence. Vanasthali organise également des camps pour les enseignantes et les anciennes stagiaires pendant les vacances d’été et d’hiver, avec des conférences, des visites d’ONG, des visites de lieux important, des voyages pédagogiques, des check-up médicaux. Les jeunes filles et les femmes sont encouragées par leurs parents, beaux-parents et autres membres de leur famille à participer aux formations. Certaines font un peu de couture ou quelques travaux ménagers pour payer les stages. Quelques maris ou beaux-pères participent aux activités, par exemple en créant des tableaux ; parfois, une mère ou une belle-mère assiste à la classe avec son petit enfant. Chose rare, on voit des femmes enceintes ou de très jeunes mères participer aux programmes de Vanasthali. Bien en phase avec son temps, Vanasthali a décidé de rendre des femmes presque illettrées capable d’utiliser des ordinateurs, avec des cours faciles à comprendre. L’école primaire de Jejuri (la seule école primaire de Vanasthali) est également équipée d’un laboratoire informatique.
Avec l’aide de Jagriti Seva Sanstha à Pune, Vanasthali organise depuis quelques années des formations d’aides soignantes pendant 6 mois. Des femmes ainsi formées sont demandées dans les familles pour s’occuper de personnes âgées ou dans les hôpitaux. C’est encore un moyen d’aider les femmes à gagner un peu d’argent. Vanasthali aide aussi financièrement les femmes qui en ont besoin, par exemple en leur prêtant sans intérêt pour se procurer un deux roues, ou commencer une petite entreprise comme un atelier de couture, un élevage ou une petite papeterie. Jusqu’à maintenant, tous ces prêts sont remboursés en temps voulu, sans exception.
En 1983, Nirmala a lancé une lettre d’information, « Vanasthali Varta ». L’idée était de permettre aux enseignantes qui ont commencé à travailler de façon indépendante d’être en contact avec la maison mère et de leur donner une plate-forme pour s’exprimer. Ce bimestriel a été un succès. Depuis 1998-1999, il est imprimé dans les régions, édité localement par les femmes, depuis le contenu jusqu’à la réalisation, la collecte des photos, la mise en page,la recherche de publicité, la relecture … chaque page reflète l’évolution des femmes rurales.
Des bibliothèques itinérantes ont commencé dans les villages pour permettre aux enfants de lire en dehors des programmes scolaires. Au départ, il n’y avait que quelques livres d’enfants et des magazines dans les centres de formation et les balwadi. Puis Madame Nirmala Pendharkar, membre du conseil d’administration de Vanasthali, a offert 5000 livres pour commencer et continue d’en fournir. Grâce à cette donation, de petites bibliothèques ont vu le jour dans plusieurs villages, ouvrant tout un monde aux enfants et aussi aux familles, aux enseignantes de balwadi, aux enseignants des écoles, aux villageois en général et tous ceux qui sont intéressés par la lecture. Les enseignantes de Vanasthali portent des livres dans des grands sacs, les lisent dans leurs classes ou incitent les enfants à les regarder. Les livres leur ont offert un trésor de connaissances et de divertissement. Lorsque ce mouvement pour la lecture s’est étendu après quelques années, la première bibliothèque sur roues est apparue à Baramati en 2008, suivie par celles de Somatné, Shirwal, Shrirampur, Sangamner, Lasalgaon et Saswad.
En plus des actions en faveur de l’éducation, Vanasthali s’est occupé d’améliorer les conditions d’hygiène des femmes de la campagne, en particulier en construisant des toilettes dans les villages. En l’absence de toilettes à la maison, les femmes étaient forcées de se rendre dans la jungle environnante pour répondre à l’appel de la nature. Jusqu’à maintenant, Vanasthali a aidé à financer plus de 250 blocs sanitaires, évitant ainsi aux femmes de tels inconvénients. Le projet continue. Ce mouvement a développé le sens de l’hygiène dans les populations rurales. Vanasthali a également aidé beaucoup d’écoles, orphelinats, unités scoutes à construire plus d’une centaine de ces blocs sanitaires.
Les dons à Vanasthali, venus d’Inde ou de l’étranger, l’aident dans ses efforts et prouvent la confiance des donateurs en Nirmala qui, en retour, s’efforce de répondre à leurs attentes. Nirmala pense que le bon travail n’est jamais limité par le manque d’argent. Lorsque des étrangers qui veulent faire un don viennent à Pune, Vanasthali organise pour eux des visites dans les différents districts pour voir les projets. L’idée est que le travail concret parle de lui-même, et mieux que des discours. Mais Nirmala regrette qu’ au bout de 25 ans, les visites n’enclenchent pas les mêmes réponses au niveau local. Son expérience la convainc que les étrangers sont plus généreux.
Nirmala a donné l’exemple de sa façon de vivre dans la simplicité. Elle montre qu’on peut apprendre et vivre en même temps. Son mari, Babasaheb, a toujours été fasciné par la vie de Chhatrapati Shivaji et toute son histoire et il s’intéresse principalement à cette époque, tandis que Nirmala est solidement ancrée dans le présent et se tourne vers le futur. Tous deux s’accordent pour que chacun suive son propre chemin. Elle s’est occupée de sa maison avec un budget modeste, limitant ses propres besoins, Babasaheb n’ayant pas de revenu fixe. Elle n’aspirait pas à l’aisance matérielle à laquelle aspire la moyenne des épouses. Babasaheb étant presque tout le temps en tournée, Nirmala a élevé leurs trois enfants comme elle l’entendait. Elle voulait qu’ils adoptent une vie simple avec des principes élevés, qu’ils suivent des études pour être indépendants. Ils sont devenus des individus conscients de leurs responsabilités sociales et ont toujours apprécié le travail de leur mère. Ils ne se sont jamais plaints et se sont toujours débrouillés seuls quand elle s’absentait pour son travail, que ce soient des visites dans les villages ou des camps en résidence. Nirmala disait «Les cinq membres de notre famille avaient des opinions différentes, nous étions les piliers de la maison et chacun cumulait la force des cinq ».
Ce qu’elle a réussi à la maison, elle l’a appliqué dans son travail social. Elle a montré par son exemple que la détermination et la passion permettent d’atteindre des sommets indépendamment du niveau scolaire. Nirmala pour sa part avait fait ses études secondaires en marathi et connaissait très peu d’anglais. Quand elle en a eu besoin, elle a appris cette langue à l’âge de 34 ans, seule en lisant et en écoutant la radio et elle a pu très vite converser avec confiance avec les personnes importantes du pays et d’ailleurs.
L’objectif de Nirmala a toujours été les enfants et les femmes. Au long de son parcours, elle a pris plusieurs tournants pour atteindre le niveau fixé. Et chaque nouveau tournant était un nouveau défi et ouvrait de nouvelles perspectives. Il y a trente ans, le travail de Vanasthali était centré sur le développement personnel des femmes en milieu rural. Avec le temps, il s’est avéré que leur relative indépendance financière était impérative et Vanasthali a lancé des programmes dans ce sens. Les témoignages de toutes ces femmes poussent Nirmala à travailler encore davantage. Certaines femmes disent qu’elles ont été sauvées de la dépression, que Nirmala leur a donné un regain de vitalité. La jeune Aparna, de Baramati, qui se battait contre un cancer de la peau, a dit que l’organisation lui a donné le courage de vivre face à l’adversité et sa famille a fait un don de 11000 roupies à Vanasthali. Grâce à cette confiance, des centaines de femmes se tiennent solidement derrière Vanasthali pour accomplir des tâches variées. Au fil des années, l’organisation a enrôlé de nombreuses volontaires pour travailler à résoudre les problèmes de la société et des familles et rechercher la justice face à la détresse des femmes. Les jeunes filles et les femmes sont imprégnées des valeurs inculquées par Nirmala pour entraîner tout le monde avec elles. Manik Kotwal, membre de Vanasthali témoigne : « Vanasthali n’est pas une entreprise commerciale, mais présente un concept d’idéal social. Toutes ses initiatives pour le monde rural visent à la croissance en phase avec le monde contemporain. Vanasthali a toujours cherché à débrider les potentialités cachées des enfants et des femmes dans les villages. » Le dévouement et l’abnégation de Nirmala, ses habitudes spartiates et son zèle sans limite sont la plus grande source d’énergie de Vanasthali.